Compromis ou consensus ? Petit supplément à la cohésion…

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"Les mots ont un sens ! " Episode 2

 

Concession ou conviction, arrangement ou sens partagé ?

 

Le consensus fait émerger un sens partagé.
C’est en cela qu’il diffère radicalement du compromis, qui ne vise souvent qu’à faire taire le conflit.
Dans nos précédents articles sur la cohésion (à retrouver ici : Partie 1, Partie 2, Partie 3), nous avons exploré trois figures que l’on confond volontiers dans les discours managériaux, sociétaux ou politiques : l’unité, l’unanimité et l’uniformité. Trois manières de dire « ensemble », trois formes de lien, trois effets radicalement différents sur la vie d’un collectif.
Mais au-delà de ces trois visages, une distinction, une nuance aussi subtile que souterraine mérite d’être éclairée : celle qui sépare irrémédiablement le compromis au consensus. Car lorsque nous disons que nous sommes "d’accord", que fabriquons-nous exactement ? Et surtout, quel type de lien sommes-nous en train de poser entre nous ?
Ce texte n’est pas un quatrième article consacré à la cohésion : c’est un addendum, un prolongement. Il vient approfondir une question restée en suspens : comment construisons-nous, très concrètement, la cohésion ? En faisant des concessions ? Ou en partageant une conviction ? En cherchant le plus petit dénominateur commun ? Ou en poursuivant ensemble un sens plus grand que chacun ? Tout est là.

 

 

Deux mots, deux racines

Compromis vient du latin compromissum, dérivé de compromittere, « s’engager ensemble ». À l’origine, il désigne un engagement mutuel à se soumettre à l’arbitrage d’un tiers. Le compromis porte donc en lui la logique de la concession réciproque : chacun renonce à une part de ses exigences pour préserver la relation ou débloquer la situation. Or, chacun d’entre nous sait que tous les conflits naissent de frustrations (réelles ou ressentis…). Autrement dit, tout compromis porte en lui les germes du conflit à venir…

Consensus, quant à lui, vient de consentire : « sentir ensemble », « ressentir en commun ». Il implique non pas une perte, mais une convergence. Le consensus ne procède pas par retraits, mais par mise en commun. Ce n’est pas un calcul d’équilibre, mais une adhésion partagée.

Le compromis cherche une issue.


Le consensus fait émerger un sens partagé.

 

 

Compromis : la paix fragile du renoncement

Le compromis est souvent utile. Il permet de désamorcer (temporairement) une crise, de sortir d’une impasse, de prendre une décision là où l’accord semblait impossible. Il est un art, souvent noble, de la limitation du désaccord. Mais il a une logique précise : chacun perd quelque chose pour permettre à l’ensemble d’avancer.
Le danger du compromis, c’est qu’il devienne un réflexe. Une méthode de gestion permanente. Une mécanique de négociation où tout devient négociable. Or à force de concessions, on finit par ne plus savoir ce qui compte vraiment. On avance, mais vers quoi? On s’entend, mais sur quoi ?
La cohésion née du compromis est une paix temporaire, parfois silencieuse, souvent fragile. Elle repose sur un équilibre de frustrations. Elle peut tenir. Mais elle ne fédère pas.

 

Consensus : un chemin de sens partagé

Tout autre est la dynamique du consensus.
Il ne vise pas simplement à calmer le jeu ou à trancher à mi-chemin. Il engage chaque membre d’un collectif à chercher ensemble ce qui a suffisamment de sens pour être véritablement voulu en commun. Le consensus ne naît pas d’une addition d’intérêts privés, mais d’une élévation partagée : un sens que chacun peut reconnaître comme sien, sans y perdre son identité.
Ce n’est pas une méthode de réduction, mais un chemin de croissance. Il ne suppose pas de céder, mais d’élargir la compréhension mutuelle jusqu’à découvrir ce qui mérite d’être poursuivi ensemble. Le consensus n’est pas un moindre mal, mais un bien reconnu. Il ne règle pas les tensions : il les transfigure.
Et c’est pour cela, précisément, qu’il fait émerger un sens partagé.

 

Conclusion — Une décision commune n’est pas toujours une volonté commune

Il est possible de décider sans être d’accord sur l’essentiel. C’est ce que permet le compromis. On avance, on tranche, on évite le conflit. Cela a son utilité, parfois sa nécessité. Mais ce mode d’accord produit rarement de la cohésion réelle. Il apaise, sans souder.

Le consensus, lui, ne peut pas être bâti dans l’urgence ou par stratégie. Il se construit comme un chemin : en partageant le temps, la parole, les doutes, les points de vue. Il engage chacun à se laisser déplacer, non pour renoncer, mais pour reconnaître ce qui relie vraiment.

Dans un collectif, chercher le consensus, ce n’est pas rêver d’un monde sans désaccord. C’est croire qu’il est possible de vouloir ensemble, sans penser tous la même chose. C’est construire une unité vivante, non par effacement, mais par communion active dans le sens.

Car ce qui unit vraiment un collectif, ce n’est pas qu’il soit d’accord.


C’est qu’il partage un sens —
et qu’il veuille l’incarner ensemble.

 

Sophie GIRARD & Jean-Olivier ALLEGRE

Tags
consensus, compromis, cohésion, management, performance

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