La « cohésion » en question : unité, unanimité, uniformité Ep.1/3

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La cohésion ? Tout le monde s'y intéresse… en théorie.
En pratique, tant que la performance est au rendez-vous, on s’en inquiète peu. L’équipe tient ? Alors c’est que tout va bien. On ne parle vraiment de cohésion qu’au moment où elle se fissure : quand les tensions montent, que les silences s’installent, que les liens se distendent et que l’énergie se disperse.

Et là, on convoque les grands mots : unité, esprit d’équipe, alignement, valeurs partagées…
Mais sait-on seulement ce que l’on cherche ? Et à quel prix ?

Unité, unanimité, uniformité : trois manières de “faire un” — trois manières aussi de rassembler, de diriger, de relier.
Encore faut-il ne pas les confondre.

 


Unité, unanimité, uniformité : trois mots pour dire “un”, mais trois manières très différentes de rassembler.

 

1. Unité — ce qui fait tenir ensemble

Étymologie : du latin unitas, dérivé de unus (« un, un seul »).
Sens : ce qui est un sans être uniforme, ce qui tient ensemble sans se confondre.

L’unité est le mystère d’un lien profond entre des réalités distinctes. Une équipe est une unité lorsqu’elle sait coopérer dans la diversité des talents. Une symphonie est une unité : plusieurs instruments, plusieurs voix, mais une seule œuvre. Le corps humain lui-même est une unité vivante : chaque organe a sa fonction, mais l’ensemble tend vers la vie.

Unité n’est pas fusion, encore moins confusion. Elle suppose une tension féconde entre la pluralité et l’un.

Par exemple ?
    •    En politique, une nation est unie non parce que tous pensent pareil, mais parce qu’un destin commun est assumé.
    •    En entreprise, un collectif est uni quand chacun contribue à une œuvre qui le dépasse.
    •    En famille, l’unité se construit quand les désaccords sont traversés avec amour, et non niés.

 

2. Unanimité — une seule âme, un seul souffle

Étymologie : du latin unus (« un ») + animus (« âme, esprit, souffle vital »)
Sens : une convergence  des volontés ou des pensées.

L’unanimité exprime une harmonie forte, mais souvent ponctuelle. Elle peut être la manifestation d’un élan commun, d’un assentiment profond. Mais elle peut aussi être illusoire : obtenue par la pression sociale, la peur ou la manipulation.

Unanimité peut être le fruit de la conviction partagée… ou le masque d’un conformisme.

Par exemple ?
    •    Quand un peuple se lève ensemble face à une injustice, l’unanimité devient une force prophétique.
    •    Mais quand un comité valide sans débat un projet mal conçu, l’unanimité cache parfois l’absence de pensée libre.

Elle est précieuse, mais fragile.

 

3. Uniformité — le même pour tous, l’effacement des différences

Étymologie : du latin uniformis (« d’un seul aspect, d’une seule forme »)
Composé de unus (« un ») et forma (« forme, aspect extérieur »).
Sens : tout ce qui tend à rendre identique en apparence ou en fonctionnement.

L’uniformité rassure. Elle simplifie. Elle permet parfois une efficacité immédiate. Mais elle tue la singularité, bride la créativité, étouffe la liberté. Elle ne supporte pas le désaccord, ni l’inattendu.

L'uniformité est l’ombre de l’unité : elle donne l’impression d’un ordre, mais par l’effacement (symbolique ou réel...)

Par exemple ?
    •    Un système scolaire qui produit des copies conformes de l’élève idéal n’éduque plus, il conditionne.
    •    Une entreprise qui exige le même style, la même parole, le même parcours, finit par perdre ses talents.

 

Vers une sagesse qui soit une pratique du “Un” ?

Ces trois mots – unité, unanimité, uniformité – expriment trois manières de penser le lien entre les êtres (et surtout de le vivre !). 
L’unité, issue du latin unus, désigne une cohérence vivante dans la différence ; elle permet de faire tenir ensemble ce qui n’est pas semblable. Mais si cette tension se perd, c’est la division qui surgit. 
L’unanimité, formée à partir de unus et animus (l’âme, le souffle), évoque un accord profond des volontés ou des cœurs ; elle peut être précieuse, mais court toujours le risque du conformisme silencieux. 
L’uniformité, quant à elle, vient de unus et forma, et désigne la réduction à une seule forme : elle impose la même apparence, les mêmes comportements, au prix de l’appauvrissement et parfois de l’oppression.

L’enjeu est donc de ne pas confondre ces trois manières de faire “un”. Il s’agit de chercher l’unité, de savoir accueillir l’unanimité lorsqu’elle se présente librement, mais de refuser l’uniformité comme norme. Car la véritable unité – qu’elle soit spirituelle, humaine ou politique – est toujours hospitalière : elle fait place à l’autre sans le dissoudre.

 

En guise de conclusion de cette première partie de "cadrage"…

Comprendre ces trois manières de faire “un” — unité, unanimité, uniformité — ce n’est pas seulement une affaire de vocabulaire.
C’est ouvrir une réflexion essentielle sur la nature des liens, sur ce qui nous relie sans nous confondre, sur ce qui fait tenir ensemble un collectif sans l’uniformiser.

 

En perspectives...

Cet article constitue le premier épisode d’une série en trois temps.


Dans le deuxième épisode, à paraître prochainement, nous entrerons dans une méditation philosophique : que révèlent ces trois figures du “Un” sur notre humanité, sur notre désir d’appartenance, mais aussi sur notre difficulté à faire place à l’altérité ?

 

Puis, dans un troisième épisode, nous reviendrons au cœur du monde professionnel : que signifient concrètement ces distinctions dans la vie des organisations ? Quelles sont les dérives, les impasses, mais aussi les ressources qu’elles nous aident à nommer, à prévenir, à transformer ?

 

Pour diriger une équipe, il apparaît nécessaire de savoir quel type de lien on cherche à construire.

Épisode 2, à lire ICI

Sophie GIRARD & Jean-Olivier ALLEGRE

 

Tags
cohésion, management, performance

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