« Vive les tyrans ! » ou les dérapages d’Alain Prost dans la revue « BILAN »

Vous connaissez bien sûr tous Alain Prost. Le célébrissime pilote de Formule 1 des années 80 – 90. Saviez-vous qu’Alain Prost était aussi un grand intellectuel et un politologue averti? Non, alors ne manquez pas, avec nous la lecture d’une interview donnée à la Revue économique « BILAN » en mai… Vous y découvrirez des pensées… comment dire… affligeantes?.. C’est le moins que l’on puisse dire… Et pourtant, s’il était possible d’en tirer du positif…
La pensée de fin de soirées arrosées?!
Dans ce merveilleux article, dont personne n’a parlé en France (nous étions trop occupé par l’exil belgo-russe de Gérard Depardieu), Alain Prost fait ce qu’il sait le mieux faire: se plaindre… Rappelez-vous… Déjà pilote, lorsqu’il ne gagnait pas… Ce n’était pas de sa responsabilité: c’était la voiture, les mécaniciens, le circuits, etc… Et ensuite, lorsque, patron d’écurie (Prost Grand Prix), tout partait en saucisse? Pas lui non plus…
Alain se plaint donc… la fiscalité en France, l’état d’esprit français, les politique français, blablabla… Mais au fait? Il réside depuis 30 ans à Genève (en Suisse). Donc… il parle d’un pays où il n’habite plus… Bon et pour la Suisse? Ce n’est plus non plus ce que c’était… Alain est venu sans argent en Suisse. Mais il bénéficie du « forfait fiscal » (calcul des impôts très favorable aux étrangers (fortunés) résidants en Suisse). Alors la Suisse? Eh bien si on touche à son forfait fiscal, Alain partira vers des cieux plus cléments (déjà, je cite que la « Suisse n’est pas un paradis fiscal », il ne faudrait pas exagérer). Bon, rien de nouveau sous le soleil alors?
Quand même, Alain « Le Professeur » (en Formule 1) nous gratifie de l’une de ses pensées politiques les plus abouties. Je cite (avec des pincettes): « Il faudrait un dictateur intelligent qui prenne les cinq ou six mesures indispensables pour remettre le pays sur les rails! » Evidemment, quand Alain cite « le pays », il s’agit de la France… Aïe aïe aïe…
Au pays de la confédération et de la démocratie aboutie, prononcer une telle ineptie relève de l’exploit! Alain… Historiquement, AUCUN tyran n’a jamais résolu quoi que ce soit! Les intellectuels eux-mêmes ont abandonné cette idée, de Platon aux philosophes des Lumières. Un despote éclairé reste un despote… Mais, dans ses dérapages, Alain Prost met en avant une idée répandue, ce que l’on pourrait appeler « l’effet magique »: un HOMME PROVIDENTIEL, 5 ou 6 ACTIONS qui RESOLVENT TOUS LES PROBLEMES… Avant d’approfondir cette idée, revenons sur la revue BILAN:
Après tout qu’Alain Prost n’ait pas d’intelligence politique ni de finesse de pensée, pourquoi pas. Après tout, on ne demande pas à un sportif d’être le phare de l’intelligence. Mais que BILAN, revue économique Suisse puisse publier ce genre d’interview pose question. En effet, la Suisse, par son histoire et sa culture (dont se moque éperdument notre cher Alain) a précisément élaboré un système politique de confédération, établissant un équilibre savamment orchestré entre les origines linguistiques et les appartenances politiques. La Suisse s’est précisément construite, politiquement, pour éviter les abus d’un tyran, d’un homme seul qui détiendrait tous les pouvoirs. Elle s’est positionnée, depuis 1291 en modèle de démocratie directe et de recherche permanente de consensus dynamique, permettant des débats argumentés et forts sur le fond, donnant la parole à chaque parti et à chaque idée, puis, précisément parce que le débat a pu avoir lieu, les décisions prises sont entérinées et tenues par chacun. Qu’Alain Prost soit en Suisse depuis 30 ans, non pour sa culture et sa stabilité politique, mais pour se préserver fiscalement, pourquoi pas. C’est un choix comme un autre. Qu’il n’ait aucune culture autre que celle du « vroum vroum » et que ce soit là son seul horizon intellectuel, pourquoi pas également. Mais que BILAN valide des inepties de la sorte relève (presque) de la faute éditoriale. Laisser libre court aux élucubrations de fin de soirée arrosée est vraiment dommage et dommageable, pour ne pas dire… affligeant.
Résider dans un pays étranger demande, au minimum, une intégration par la connaissance de sa culture, de ses us et coutumes, ainsi que le respect de ses valeurs…
Un dictateur, 5 mesures, et tout va bien!
Cette idée, simpliste est récurrente non seulement dans les idées reçues en politique, mais on la trouve (parfois) aussi dans les entreprises.
Un dictateur pour diriger? Peut-être, mais pour qui…
Le propre d’un dictateur est, précisément, et c’est qu’oublie notre Alain Prost, de ne rendre de compte à personne! Autrement dit de ne faire que ce qu’il veut et comme il le veut. J’entends bien, de sa villa de Conches à Genève, Alain me dire « j’ai dit un dictateur intelligent!!!! ». Un dictateur intelligent?.. tu parles d’un oxymore? Genre la « nuit éblouissante »? le « courage de la lâcheté »? un « illustre inconnu »? Ah ok… Mais, il ne s’agit que d’une figure de rhétorique, pas d’une réalité… Si un dictateur était intelligent, serait-il un dictateur?.. Et si un dirigeant était intelligent, serait-il un dictateur… Eh non, cela ne marche pas comme cela… Et chacun, un peu réaliste, pragmatique, le sait. D’ailleurs, Alain, si c’était aussi simple, pourquoi n’as tu pas été un « dictateur intelligent » au sein de Prost Grand Prix? Hum…
Le propre d’un dictateur est également de soumettre par la force ceux qui ne partagent pas SA vision: de Denys le Tyran, à Bachar el-Assad en passant par Hitler, Mussolini, Lénine, Staline, Pinochet, Pol Pot, Kadhafi, Kadyrov, Kim Jong-Un, etc… ceux qui ont vécu sous la dictature le savent… Pour ceux qui veulent vivre sous des régimes tyranniques, c’est possible, il y en a encore de par le monde. Tentés? Allez-y et faites nous un compte rendu…
Dans les entreprises, les dirigeants ou managers tyranniques créent de la performance. Cela peut être admis. Mais à quel prix? Et surtout, pour quelle pérennité? Le prix à payer est celui de la violence et du rapport de force (réel ou symbolique). Il faut être prêt à assumer des dérapages et le « fait du Prince ». Bien entendu, la « bonne vie » dépend de sa position par rapport au « tyran » (pour ou contre?). N’oublions jamais non plus que, très souvent, les tyrans ont également fait disparaître leurs « amis »… Quant à la pérennité? Elle s’arrête immédiatement avec la force de contrainte. Autrement dit: pas d’avenir sans la répétition des tyrans… Quel programme!
Une bonne idée pour tout résoudre? Ah? laquelle??!!
Plus une situation est difficile, voire complexe (c’est-à-dire dans un enchevêtrement dynamique difficilement lisible), plus la tentation (inefficace mais rassurante) de trouver une idée magique (5 ou 6 pour Alain Prost) est forte. Oui l’effet « magique » est rassurant et fascinant, mais pour les enfants uniquement. Qui peut, de manière sérieuse, affirmer qu’il est possible de résoudre des problèmes de fonds, structurels et historiques d’un pays ou d’une entreprise en 5 actions?.. Même les plus délirants des consultants ne l’oseraient pas. Vous imaginez: « bonjour! avec mes 5 idées clefs, résolvez tous vos problèmes! » @:-) On se croirait revenu à la belle époque des « remèdes miracles ». Une décoction magique qui soigne tous les maux. A l’époque, on appelait cela des « pièges à gogos ».
Oui l’attraction pour des idées simplistes est tentante et forte. Et c’est précisément là qu’il faut être capable de lutter contre ces réactions infantiles, puériles qui vont faire croire que tout peut être solutionné en un instant. Ici, il faut un vrai courage, qui ne sera jamais celui d’un dictateur quelconque; mais le courage de la conviction, de l’argumentation, de la patience, du débat, etc…
Imposer par la force d’un être unique ou réussir ensemble ?
Le management, comme la politique relève de l’art délicat et difficile (voire ingrat) de la coopération: être capable de faire œuvrer ensemble des personnes aux profils, aux potentiels, aux visions, aux aspirations et aux motivations différentes voire divergentes. Ici encore le COURAGE guide aussi bien les managers que les dirigeants. L’incertitude (réelle) nous gagne et nous guide dans ce choix, car l’issue n’est jamais certaine. Mais la lucidité également nous guide; c’est précisément elle qui fait défaut aux dictateurs; dans un élan mégalomaniaque, le dictateur bascule dans la pensée irréelle qu’il peut changer le monde à lui tout seul. Il oublie un point essentiel qui fonde toute réussite durable: c’est la dynamique collective qui associe des talents et potentiels différents voire convergents qui forge les réussites les plus incroyables et les plus durables.
On en fait pas face à la complexité avec des idées simplistes !
Nous vivons dans un monde où la complexité règne maîtresse absolue, déclenchant une incertitude dont nous commençons à percevoir l’épaisseur. La seule question qui se posera ici sera de savoir si dirigeants, managers et salariés auront la lucidité d’y faire face avec une réelle intelligence ou s’ils se perdront dans des propos et des actions à l’emporte-pièces. Rien n’est gagner, et il faut lutter jour après jour pour défendre des pratiques de gouvernance d’entreprises (voire politiques, ce qui n’est pas notre objet ici) qui sortent des idées reçues des populismes et de la puérilité. D’ailleurs, il est toujours intéressant de se demander: « 5 ou 6 mesures pour redresser le pays? » Mais lesquelles?..
Merci à tous les entrepreneurs, dirigeants, managers et salariés que nous côtoyons jour après jour dans les différentes régions et entreprises dans lesquelles nous avons l’honneur de travailler de nous montrer que des voies hors de la facilité et des idées simplistes sont possibles. Toutes ces réalisations concrétisent des pratiques de coopération et de performance au quotidien. Elles ne sont pas mises en avant dans les magazines économiques, car certainement moins « people » qu’une interview d’Alain Prost, mais elles sont, elles, issues d’un mode réel et d’un courage quotidien!
Jean-Olivier ALLEGRE

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