Une guerre sans conséquence : Lettre ouverte au Président de la République des Bisounours

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Monsieur le Président,

 

Je ne suis rien ni personne; je fais partie de cette France des anonymes qui travaillent, paient des impôts, des taxes, des cotisations et ne manifestent jamais pour défendre des "privilèges" qu'ils n'ont pas et ne cassent pas le mobilier urbain tant ils connaissent le prix des choses.

Je suis TNS (Travailleur Non Salarié), c'est-à-dire que si mon entreprise ne rentre pas de chiffre d'affaire je ne suis pas en capacité de me rémunérer.

Je suis consultant formateur en management. J'anime des séances de conseil et de formation pour permettre aux managers et dirigeants de progresser dans l'animation des équipes, ainsi qu'avec les équipes opérationnelles sur les dimensions de la performance, du bien-être, mais aussi du changement et de la complexité.

 

J'écoute les différentes interventions depuis le début de la crise sanitaire liée au virus covid-19, et je note que vous, votre gouvernement, mais aussi nombre de politiques de l'opposition nous propose un monde irréel et déconnecté qui oscille tel un pendule maudit entre angélisme et catastrophisme. Vous êtes dans le ton de l'histoire actuelle : en route vers l'infantilisation généralisée, et j'aimerais prendre le temps de vous expliquer en quoi et comment (je me doute bien que vous ne lirez jamais ces lignes, mais je tente "au cas ou"…)

 

QUAND L'HISTOIRE SE VENGE AVEC HUMOUR...

 

Tout d'abord, je note que l'Histoire est cocasse : vous êtes le Président et le chantre du mobilisme universel (je vous conseille à ce propos de relire (ou de lire) Héraclite d'Ephèse qui a écrit sur le sujet des aphorisme qui pourraient non seulement vous faire méditer, mais aussi et surtout agir d'une manière différente. Votre credo de "marcheur", c'est le MOUVEMENT, le MOUVEMENT et encore le MOUVEMENT ! Il faut bouger ! Tout le temps,  pour tout et surtout pour ne rien faire, mais il faut BOUGER ! Vous n'avez pas créé un parti (trop sclérosé et structuré pour vous), mais un MOUVEMENT, c'est-à-dire une DYNAMIQUE en MOUVEMENT PERPETUEL. Vous rejoignez ici votre ami Mélenchon qui reprend exactement votre idée, un MOUVEMENT, pas de parti. Ceci dit, Mélenchon et vous ne vantez pas tant le mouvement pour le coup, qu'une habile manœuvre de pouvoir permettant de mieux contrôler ce qui n'a ni forme ni structure. Manager un parti avec une structure est un métier, surfer sur et dans un mouvement est tellement plus fun… Passons. Votre MOUVEMENT à vous s'appelle EN MARCHE; vous opérez ainsi une réitération de l'idée de DYNAMIQUE dans une tautologie marketing absolue : le MOUVEMENT DE LA FRANCE EN MARCHE. Fabuleux ! Vous vantez également le mobilisme universel transfrontière (plus de frontières, d'ailleurs) pour être un "citoyen du monde" (il y aurait ici tant à dire sur le dévoiement de cette notion dans la sphère politique actuelle). Il faut bouger, dans le pays (si on traverse la rue on trouve facilement un "job", mais pas forcément un travail), il faut aller découvrir le monde, voyager, bouger (mais en faisant attention quand même à son empreinte carbone, non?) Bref, il faut bouger, tout le temps partout, même pour ne rien faire, même pour aller nulle part, mais il faut BOUGER BOUGER BOUGER ! Je ne dirai rien sur la salle de sport, lieu du bougisme absolu pour ne rien "faire" et pour aller "nulle part"… L'Histoire est taquine donc, car depuis hier (lundi 16 mars 2020) votre nouveau slogan est "RESTEZ CHEZ VOUS !" Slogan martelé également comme des chambres d'écho mal réglées par tous les membres de  ce qu'il reste de ce gouvernement. Depuis hier donc, vous, l'apôtre du mobilisme universel, vous allez faire ce qu'aucun autre Président n'avait réussi avant vous, ce que même la CGT dans ses phantasmes les plus délirants n'auraient jamais imaginé : FIGER LE PAYS POUR LES 6 SEMAINES A VENIR ! Notez bien, Monsieur le Président, que je ne remets pas en questions la nécessité impérieuse de figer le pays suite à la crise sanitaire (et non à la guerre comme vous l'avez martelé hier soir dans une reprise (assez médiocre et banale d'ailleurs pour un "pro de la comm") du célèbre slogan de Mac Luhan : "LE MESSAGE C'EST LE MASSAGE !" Il faut marteler pour imprimer, il faut masser le cerveau en martelant le message pour qu'il s'imprime dans les esprits).

Bref, vous, le Pape autoproclamé du MOBILISME et du MOUVEMENT vous serez celui qui a FIGÉ le pays et demandé à chacun de "RESTER CHEZ SOI"… Le plus délirant des conservateurs ou des réactionnaires n'aurait jamais pu entrevoir la possibilité de cela…

Il ne s'agit pas, ici, de remettre en question la décision nécessaire du confinement et de la limitation des interactions entre les personnes, mais bien de mettre en avant que l'absolutisation d'une idée n'est pas possible sans devenir une errance; la pensée complexe nous enseigne précisément à tenir ensemble les pôles opposés et contraires dans une nécessité marquée. Ici, l'erreur est de n'avoir valorisé et glorifié que le mobilisme, sans penser aussi la notion d'enracinement...

 

Après le cocasse (qui ne dépend pas de vous, quoi que…) à nouveau si vous aviez lu Héraclite d'Ephèse vous auriez trouvé chez ce philosophe avisé une autre pensée clef : l'union des contraires… Mais, avec cela vous seriez entré dans la pensée de la complexité dont vous êtes (hélas) si éloigné et dont nous avons, aujourd'hui tant besoin…

 

LE MONDE DES BISOUNOURS OU L'INFANTILISATION GÉNÉRALISÉE

 

Après le cocasse donc, l'infantilisation; car ici aussi vous rejoignez l'air du temps comme on le dit de nos jours (ainsi que vos deux derniers prédécesseurs ceci étant dit en passant). Un air du temps léger, si léger que tout est "sans conséquence"…

Après avoir martelé dans votre discours (cf. Mac Luhan) "Nous sommes en guerre !" pour donner de la gravité à vos propos (qui n'en ont plus car sans ligne de force), pour mettre en avant l'urgence de la situation, et surtout construire de toute pièce et de façon artificielle une pseudo Autorité, nous sommes passés, d'un coup DANS LE MONDE DES BISOUNOURS… Vous brossez le tableau de L'APOCALYPSE, puis… le temps se fige… les conséquences disparaissent : "Personne ne sera impacté financièrement par la crise", "il n'y aura pas de licenciements", " il n'y aura pas de faillites", "le pouvoir d'achat ne sera pas touché", etc… etc… Nous avons basculé d'un coup de l'APOCALYPSE aux BISOUNOURS… Je vais vous surprendre Monsieur le Président, mais je n'habite pas le même monde que vous. Dans ma réalité, celle des adultes et non des Narcisses Immatures™, les conséquences vont être grandes et marquées. L'entreprise que j'ai créé en 2002 avec mon associée et pour laquelle nous travaillons ardemment chaque jour ne survivra peut-être pas à cette crise (et non pas cette guerre, car il faut, lorsque l'on est adulte, appeler les choses par leur nom, et non pas jouer à la guerre comme les petits enfants). En effet, notre activité de formation s'est arrêtée net cette semaine et pour au moins 6 semaines. Cela a des CONSÉQUENCES très réelles, Monsieur le Président : plus de chiffre d'affaire, plus de rémunération. Par contre, je vous confirme que les services de l'Etat eux aussi restent sans conséquences : la CIPAV, l'URSSAF et le TRESOR PUBLIC continuent de ponctionner. Ô je sais vous allez me dire "report"… Mais à quoi sert un "report" s'il n'y a pas d'après ? À quoi sert un "report" si je n'ai plus de chiffre d'affaire ? À court terme je peux payer, car j'ai été un adulte avisé qui a de la trésorerie… Mais cette trésorerie, dans le monde des adultes a une limite. Dans le monde puéril et les délires des enfants, il n'y a pas de limite, pas de conséquence; mais ce monde, Monsieur le Président, n'existe pas. C'est une chimère. Un monde sans Mal, sans Souffrances ni Conséquences négatives n'existent que dans les rêves des enfants. Le monde des adultes, celui dans lequel je me meus au quotidien inclut des difficultés, des contraintes, etc… Il inclut aussi de la Joie et du Bonheur. C'est, pour l'entrepreneur que je suis la joie de la liberté de travailler sur les solutions les plus adaptées pour mes clients, d'organiser mon existence professionnelle, de partager des moments incroyables de relations réelles (et non virtuelles), car vous me ferez l'apologie du E-learning, de la digitalisation, de la dématérialisation, des forums virtuels, etc…) qui font la puissance de nos interventions et la Beauté de ce métier : réaliser ensemble des actions, progresser, essayer, tester, etc…

 

VIVE LA LECTURE ET LA CULTURE !

 

J'aurais encore tant de choses à vous écrire, Monsieur le Président… Mais à quoi bon, n'est-ce pas ?

Hier soir vous avez fait l'apologie de la culture, de la lecture… J'ai souri. Philosophe, même lorsque mon activité était en surchauffe des plannings et des déplacements, j'ai toujours pris le temps de lire, j'ai toujours pris le temps philosopher et d'écrire, j'ai toujours pris le temps de contempler le monde, de l'observer, d'écrire également. J'écris bien, j'ai pris le temps, car ce temps, je ne l'avais pas. Mais c'est un choix de vie, un choix réel et pratique, quotidien : savoir où est son essentiel. Mes essentiels sont dans ma pratique professionnelle; une pratique de liberté et de relations humaines. Mes essentiels sont dans ma pratique de vie personnelle : ma famille et mes lectures et écritures philosophiques.

 

Il y aura des conséquences à cette crise, Monsieur le Président, car je ne suis pas un petit enfant… Même si, à partir d'aujourd'hui midi je redeviens, par contrainte légale un petit enfant qui doit avoir un mot pour sortir de chez lui en expliquant pourquoi il sort de chez lui comme un polisson qui fait le mur, car vous ne me jugez pas assez adulte (avouez là aussi que c'est cocasse) pour savoir que je dois rester chez moi sauf pour aller faire des courses pour nourrir ma famille…

 

Il y aura aussi des conséquences dans l'après-crise, Monsieur le Président… Car la crise finira et l'on se demandera comment il a été possible que des politiques qui appelaient à la responsabilité des "citoyens" aient organisé des élections alors même que chacun devait déjà rester chez lui…

 

Il y aura des conséquences dans la "crédibilité" de la parole politique qui aura passé les 15 derniers jours à se contredire, à faire le contraire de ce qui a été dit…

 

Il y aura enfin des conséquences dans la CONFIANCE, Monsieur le Président… de grandes conséquences; mais là aussi, peu vous importe, n'est-ce pas ?..

 

Bien à vous

 

Jean-Olivier ALLEGRE 

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management

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