Et si vous pratiquiez la CONVERGENCE ?

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Au sein de nos approches consacrées aux MICs™ (Mutations Incertitudes Complexités), nous développons, avec nos clients et participants, la pratique de la convergence qui permet une dynamique collective et efficace au-delà des différences et divergences. Cette dynamique qui peut s’utiliser aussi bien en management qu’en communication suppose la mise en place de présupposés clairs, mais surtout de quitter 2 travers qui rendent toute pratique dans la complexité inefficace : la dissociation et l’affrontement frontal. Petite explication et clarification des bases de la méthode.

 

QUITTER L’UNIVERS DES COMPROMIS

Il ne s’agit pas de jouer sur les mots : la dynamique du consensus n’a rien à voir avec la pratique des compromis.

Le compromis est une aspiration vers le bas par négociation, abandons et frustrations.

Tout compromis est une négociation vers le bas en ce sens qu’elle repose sur la négation des aspirations pour se concentrer sur les abandons (plus ou moins) mutuels. Un compromis est un abandon, un recul dans un jeu de négation du type « si j’abandonne cela, tu abandonnes cela ». Jeu, lui-même issu d’un rapport de force, car le compromis laisse toujours (dans la réalité et non dans la théorie) l’un des deux « adversaires » dans la frustration. Une des deux parties ressent qu’elle a laissé plus que l’autre. Or, chacun sait que les frustrations d’aujourd'hui sont la source des conflits de demain : si je me sens lésé aujourd'hui, je ferai tout pour retrouver mon dû (et un peu plus) dès que je le pourrai. Autrement dit, les compromis sont des plaies ouvertes.

Nous aurons l’occasion d’y revenir, mais le compromis doit être vu comme un mal (parfois) nécessaire, mais en aucun cas comme un vecteur de dynamique managériale ou de communication.

 

DECOUVRIR L’UNIVERS DES CONSENSUS

Le consensus ne repose pas sur les mêmes leviers. Un consensus est une construction dynamique et collective.

Le consensus est une exigence de donner à chacun, une exigence forte de permettre à chaque partie en divergence ou en opposition. Le consensus est également une exigence  faite à chaque partie de construire au-delà des désaccords. Comment réaliser cela sans être dans le domaine des idées creuses ? Précisément par la pratique de la convergence, qui, au-delà d’être un état d’esprit, repose également sur une méthode spécifique. Mais avant d’aborder la pratique de la convergence, encore une précision (de taille) concernant le consensus.

Il est non seulement construction dynamique  et collective (autrement dit à rebours des abandons et des frustrations), mais également et surtout une dynamique collective élaborée autour du sens ! La base et la dynamique du consensus ne reposent pas sur les frustrations et les abandons, mais sur un élément clef et potentiellement fédérateur : un sens collectif. La recherche de ce qui fait sens pour chacun est essentielle dans l’élaboration du consensus. Les objectifs de chacun sont importants, certes, ce que chacun souhaite obtenir également, mais la question première est : « qu’est-ce qui fait sens pour toi ? »  Cette question est (très souvent) la grande oubliée face aux blocages, aux désaccords et aux oppositions. Or elle est essentielle et fondatrice, car elle seule permettra de « sortir par le haut ». Certes, l’expression est à la fois consacrée et tarte à la crème, tant elle a précisément été vidée de sa substance et de son sens. Or il s’agit ici de lui redonner vitalité, réalité, consistance et sens.

Pour synthétiser, cela signifie que le consensus est une élaboration coopérative qui prend comme point de départ ce qui nous rassemble au lieu de se concentrer sur ce qui nous oppose. Et cette dynamique se crée autour d’un sens collectif et partageable.

 

PRATIQUER LA CONVERGENCE : UN ETAT D'ESPRIT

La convergence est tout d’abord un état d’esprit, une vision des relations humaines ; elle intègre les divisions, les oppositions, les divergences, les conflits, etc.. Autrement dit, la convergence repose sur une approche réaliste des humains et de leurs relations ; mais, elle refuse l’abandon car elle est coopération, c'est-à-dire capacité de chacun, au-delà de ses différences et divergences, de réaliser des actions collectives. La convergence n’est pas l’idéologie participativiste ou de la « fin des managers » qui ressemble plus à des fuites en avant joliment marketées qu’une réelle envie de construire une autonomie et de développer la responsabilité de chacun. La convergence suppose et repose sur une personne qui va, non pas donner les réponses, les solutions, les orientations, mais qui désire et sait comment permettre aux parties opposées de trouver un sens collectif permettant un chemin partagé.

Chacun prend ici conscience que la notion d’état d’esprit est fondamentale, car sans cette conviction profonde et sans ce désir, le consensus est impossible à réaliser.

 

PRATIQUER LA CONVERGENCE : UNE DYNAMIQUE

La convergence est basée sur la coopération réaliste, c'est-à-dire qui ne sépare pas l’opposition (policée ou rude) de la coopération. Il ne s’agit pas d’être d’accord et raccord sur tout, mais de connaître précisément les points de divergence, d’appréciation, d’opposition et de désaccords. La coopération peut amener à s’opposer, mais non pour détruire l’autre qui serait un ennemi, mais un adversaire qui ne va pas (forcément et systématiquement) dans le même sens que nous, qui ne partagent pas tous les objectifs, etc… dans le but et la dynamique de construire avec lui et ses oppositions.

La coopération n’est pas nécessairement harmonie, paix et paisible. Elle peut être un chemin rude d’affrontements mais, avec l’envie de construire (aussi) avec nos désaccords.

Cette pratique de la coopération est une ouverture à l’autre : à ses arguments, à ce qui correspond à ma vision, et également à ses différences. La coopération n’est pas une fermeture sur soi, mais la capacité à se décentrer pour comprendre les positions de l’autre, les écouter, les intégrer et surtout, comprendre le sens de ses envies, de ses postures, de sa vision, etc…

La convergence pratiquée de la sorte est réaliste et pragmatique, car elle est ouverture à l’imprévu, c'est-à-dire prise en compte de la réalité et de la vie. La vie, est, fondamentalement remplie d’imprévus, d’éléments et d’événements qui non seulement échappent à mes envies, mon contrôle, mais surtout sortent de mon cadre de référence pré fabriqué et limité !

La convergence est une capacité de « composer avec » au sens le plus noble du terme. Nous ne voulons pas ici le réduire à une « composition négative », c'est-à-dire sous la contrainte ; certes il s’agit de limite(s) et de contraintes. Mais ces limites et contraintes sont (à nouveau) l’essence même de nos existences. Nous sommes, en tant qu’être humains à la fois limités et contraints. Nous pouvons, dans une désintégration infantilisante nous penser tels des super héros ou des dieux, mais si nous adoptons une posture d’adulte ou simplement responsable, force est de constater que nous ne pouvons pas tout ! La composition dans la pratique de la convergence doit être comprise et réalisée comme lorsqu’un artiste « compose » une œuvre, autrement dit, il donne existence à quelque chose. Dans la convergence, il s’agit de composer à plusieurs avec toutes nos richesses, donc nos points communs et partagés, mais également nos différences et désaccords. Converger, c’est prendre les contraintes et les désaccords avec nous pour composer avec !

Converger montre notre capacité concrète à naviguer dans les imprévus, autrement dit dans la réalité et dans la vie comme des être responsables et non comme des enfants rêvant d’un monde idéal et assujetti à nos désirs.

Converger, c’est être à la fois humble de cette composition avec les contraintes et les imprévus, mais c’est également une exigence et une ambition de penser que l’on peut construire collectivement par-delà nos oppositions !

Converger consiste donc à avoir le désir d’élaborer une approche collective qui fasse sens. C’est donc admettre et accepter les imperfections pour avancer ensemble, et non dans une radicalité là aussi puérile à vouloir un monde parfait (c'est-à-dire qui correspond à nos envies…)

 

CONVERGER : CONSTRUIRE PAR ETAPE ET POUR LONGTEMPS

Nous ferons un petit détour en profitant de la distinction réalisée par le philosophe Jacques Derrida entre « futur » et « avenir ». Distinction essentielle et d’une pertinence décisive dans notre pratique de la convergence vers le consensus.

Derrida distingue le futur comme étant ce qui sera à partir de ce qui est déjà. Nous sommes ici dans le « prévisible » ; je déduis ce qui va arriver à partir de ce que je connais. J’anticipe des évolutions prévisibles et je m’y prépare, quitte à ce que j’élabore des scénarii mettant en avant plusieurs futurs « possibles », « probables », vraisemblables » . Nous raffolons du « futur » dans cette acception, car nous sommes rassurés et sécurisés de pouvoir (croire) que nous pouvons prévoir ou prédire ce qui va advenir. Le futur est sécurisant car il peut être préparé.

L’avenir, selon Derrida, est bien autre chose : il est ce qui sera à partir de ce qui va advenir demain. L’avenir est la survenance de l’inattendu, du non planifiable, de l’imprévu et de l’imprévisible. L’avenir est à accepter dans la surprise ; il est ce dont nous devons faire avec, ce avec quoi nous devrons composer…

Pour résumer : le futur est un présent décalé dans le temps tandis que l’avenir est l’irruption d’événements imprévisibles… Nous sommes ici dans le lieu de la fameuse « disruption » dont on nous rebat les oreilles sans cesse en ce moment comme des mantras vidés de leur sens. Au contraire, avec cette approche de Derrida, nous y remettons tout son sens et sa puissance. Avec son mal-être également tant l’imprévu, l’incontrôlable nous effraie. Mais la vie consiste précisément dans ces irruptions d’événements imprévisibles et incontrôlables.

 

La convergence est une pratique qui, précisément, tient compte de cette réalité (du surgissement de l’imprévu) et surtout, qui accepte la liberté de l’autre ! Car, fondamentalement, la liberté des autres est aussi liberté de ne pas penser comme moi, de vouloir agir différemment, d’avoir envie d’autres directions. Refuser cette dimension, c’est sombrer dans la radicalisation de son point de vue, c’est vouloir imposer sans tenir compte des autres (pourquoi devraient-ils alors tenir compte de moi ?). Refuser cette dimension, c’est, à nouveau se comporter comme un enfant capricieux et irresponsable.

 

Il y aurait encore beaucoup à dire tant les aspects concrets et pratiques de la convergence sont nombreux et mis en avant par les participants à nos séminaires orientés vers cette pratique dans le management et la communication. Il s’agissait ici, d’apporter quelques éléments clefs et de sensibiliser à une pratique encore trop peu usitée de notre point vue malgré son efficacité…

 

La convergence nous conduit à sortir de l’erreur de vouloir savoir sans avoir appris, de vouloir comprendre sans savoir et donc, d’agir (trop vite et hors de propos) sans avoir compris. Et surtout de vouloir agir collectivement et efficacement sans tenir compte des personnes qui nous entourent…

 

Sophie Girard & Jean-Olivier Allègre 

Tags
complexités, incertitudes, mutations, changements

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