Comprendre et manager la fragilité au travail (Part.3/3)

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Après nos 2 premiers articles sur la fragilité en entreprise (lire part.1 ici, et part.2 ici), nous pouvons avancer vers des approches concrètes et pertinentes permettant d’engager un management approprié pour manager les personnes en situation de fragilité.

 

Éviter de projeter sa propre représentation d’une situation qui n’est pas la sienne

Manager la fragilité suppose, pour le manager, de trouver la distance adéquate avec sa propre représentation de la fragilité et ce qui est vécu par son interlocuteur. La fragilité d’autrui renvoie à la sienne propre et il est naturel dans un premier temps que le manager se dise : « et si cela m’arrivait à moi ». Il peut alors entrer dans une mécanique l’incitant à se comporter comme ce qu’il aurait attendu en de pareille situation : à multiplier les temps de rencontre, à s’enquérir très régulièrement, à laisser du temps … ou l’inverse.

Bref à faire, avec la meilleure volonté possible, ce qui lui aurait semblé bien pour lui… sauf que l’autre n’est pas lui et n’a peut être pas les mêmes besoins.

Il lui faut se dé-centrer de sa propre vision, représentation, voire des expériences qu’il a peut être traversées.

Chaque cas est particulier.

Pour le dire autrement, cela suppose une écoute continue pour s’ajuster et ajuster son accompagnement que ce soit lors de temps de retours d’absences prolongées, de difficultés rencontrées ou plus quotidiennement encore dans le management de proximité.

 

Respect de la situation individuelle et regard sur les compétences

Chaque cas est particulier. Qu’il s’agisse de difficultés psychiques ou physiques, chaque collaborateur impacté va vivre la situation de façon différente. Parfois dans le déni de ses difficultés (réelles) ou dans une fragilisation qui pousse à la non-action. Entre ces deux extrêmes, la palette de réactions du collaborateur face à sa propre fragilité est grande.

Quand bien même le collaborateur est discret, peu bavard, le manager ne pourra se dédouaner d’un accompagnement précis. Inversement si le collaborateur est prolixe, il conviendra de se recentrer sur le travail en lui même

L’astuce pour le manager, pour jouer le bon rôle, va consister à orienter son regard davantage sur les conséquences de la situation rencontrée dans le travail au quotidien. C’est la condition de réussite pour fixer des exigences au bon niveau et ne pas stigmatiser le collaborateur.

Cela ne veut pas dire être « sans cœur » au sein de l’entreprise, mais parvenir, simplement, à mettre à distance ses propres émotions pour considérer le collaborateur comme « un collaborateur comme un autre » sans pitié et/ou condescendance.

 

La nécessité du cadre et des repères

Oui, … il convient, avec un collaborateur fragilisé, de fixer aussi des exigences. On pourrait se dire que c’est « trop dur ». En même temps il s’agit là de l’essentiel. Qu’il souffre d’un handicap physique, psychique, d’un problème de santé … cela ne veut pas dire qu’on ne peut plus rien exiger de lui ; En effet, ce mouvement, qui pourrait paraît naturel, mais signifierait que l’on ne compte plus sur cette personne, qu’on ne lui témoigne plus de confiance pour jouer un rôle au sein de l’équipe, de l’entreprise. Ce serait le condamner à une « mise au placard » bien plus destructrice que constructive car au contraire, le collaborateur fragilisé a besoin de retrouver et de conforter une image positive de lui-même.

 

Juste dosage des exigences 

Il convient à cet effet d’ajuster ses exigences au bon niveau. La tâche n’est pas toujours aisée car le collaborateur pourrait être tenté de « faire comme avant » (dans le cas d’un retour après une maladie handicapante) ou « comme les autres ».

Dans ce cas là, il peut nier non seulement la fragilité rencontrée, mais plus encore l’impact qu’elle a sur son travail au quotidien.

Ce n’est que par un dosage des exigences au quotidien, basé sur des faits que le manager pourra mettre en place un accompagnement de qualité, approprié.

Les encadrants qui s’occupent de personnes qui relèvent de handicap psychique ont coutume de dire qu’il est nécessaire d’avoir un management au rayon laser, c’est-à-dire extrêmement précis, pointu. C’est tellement vrai ; il est opportun d’évaluer la pratique du métier par des faits, de comprendre ce qui va faire progresser ou au contraire de ce qui est devenu insécurisant. Il y a toujours « un avant » et « un après » ; force est de constater que souvent ce sont des situations où le collaborateur n’est pas capable de faire exactement la même chose.

Il convient parfois de se mettre en situation de ré-apprentissage avec un rythme d’exécution différent, sur des tâches nouvelles car le poste a été re-adapté, … Bref le manager doit ici adapter ce qu’il attend en fonction de ce que le collaborateur peut réaliser aujourd’hui.

 

Des espaces de reconquêtes

Le juste dosage des exigences n’est pas figé dans le marbre à l’instant T. Le collaborateur fragilisé qui reprend son travail, s’il repart à un niveau de compétences et/ou de pratiques moindres, est à accompagner comme tout autre collaborateur dont l’entreprise a pour objectif de faire monter en professionnalisme et de maintenir « employable » à son poste.

A ceci près, que dans une situation de fragilité, (re)prendre confiance sur son poste de travail, son métier a des conséquences, des impacts plus importants sur l’image que le collaborateur a de lui. Le terrain du travail est un terreau de reconquête(s) personnelle(s) essentiel.

C’est dire que les managers face à ces situations doivent être préparés et affiner encore davantage leur management. C’est dire aussi que le retour à l’emploi des personnes fragilisées ne peut être fait « à la sauvette » ou « comme si de rien n’était ».

 

Le non jugement du manager et des collègues 

Pour terminer il va de soi que manager la fragilité requiert beaucoup de respect, sur lequel nous avons essayé de mettre des mots pour le traduire concrètement dans les situations de travail.

C’est aussi une ligne de comportements à incarner, pour les managers, auprès des collègues des personnes fragilisées. Comme le manager, ils sont dans des craintes, des représentations et pourraient penser bien agir en compensant des difficultés, étant très proches….

Sans rentrer dans les détails d’une situation vécue, il convient pour le manager de faire respecter des règles de comportement et d’être vigilant à la qualité de l’accueil et/ou de la réintégration faite à un collaborateur en difficulté.

C’est là une approche non stigmatisante et respectueuse, tout autant porteuse d’humilité, rappelant que chacun peut ou pourrait vivre des situations analogues.

 

Quels exemples de nos actions

C’est via notre collaboration avec l’association MESSIDOR que nous avons commencé à nous intéresser au handicap psychique et plus encore à la question de savoir comment accompagner en management des personnes dans de telles situations de transition professionnelle.

Nous accompagnons aussi le groupe SEB dans la mise en place de formation visant à préparer les managers et DRH dans le retour à l’emploi de personnes ayant subi une fragilité (santé, handicap, etc…).

Force est de constater que nous sommes amenés à travailler sur des situations de ce type dans de multiples accompagnements individuels car comme cela a été expliqué plus haut le terrain du travail et de l’entreprise est le réceptacle de nombreuses fragilités souvent cachées.

 

Dans tous les cas, cela nous semble être une part essentielle de notre mission de consultants de faire en sorte que chacun dirigeant, manager ou collaborateur se trouve et se sente BIEN, en confiance, dans son travail au quotidien.

Sophie Girard & Jean-Olivier Allègre

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